- Traduit de l’espagnol (Uruguay) par Lise Chapuis
- Préface de Diego Vecchio
- Couverture illustrée par Nicolas Dumontheuil
Jorge Mario Varlotta Levrero : la Muse Télépathique
I
Nouvelliste, romancier, journaliste, bouquiniste, animateur d’ateliers virtuels d’écriture, auteur de scénarios de bande dessinée et de mots croisés, photographe, parapsychologue (et j’en oublie…), Jorge Mario Varlotta Levrero (1940-2004) est né et mort à Montevideo, capitale de la République Orientale de l’Uruguay, l’un des pays au monde possédant la plus haute densité d’écrivains excentriques par nombre d’habitants et par kilomètre carré. Il suffit de penser à Horacio Quiroga, à Felisberto Hernández ou à Juan Carlos Onetti, sans oublier Isidore Ducasse, Jules Laforgue ou Jules Supervielle et même Charles Darwin lequel, lors de son voyage autour du monde, à bord du Beagle, a contourné les côtes de l’Amérique Méridionale et a écrit de très belles pages sur le Rio de la Plata. (La littérature uruguayenne est l’une des plus généreuses en matière de droit d’asile : il suffit d’être né ou d’écrire sur l’Uruguay pour être considéré comme auteur uruguayen).
II
Ce qui est écrit en haut est aussi écrit en bas. Dans un atlas géographique, on peut toujours lire, comme dans la carte du ciel, une sorte de mythologie. Le Rio de la Plata n’est pas une exception. Sa mythologie a été ourdie autour d’un point cardinal : l’Orient. On appelle l’Uruguay la Bande Orientale, c’est-à-dire : la marge orientale (orientale par rapport à l’Argentine). Mais on appelle l’Argentine, l’Argentine. Le Rio de la Plata est un fleuve à une seule rive. L ‘Uruguay est l’autre rive.
Le voyageur qui traverse en bateau les deux cent trente kilomètres d’eaux troubles qui séparent Montevideo et Buenos Aires, dans un sens ou dans l’autre, est envahi d’un inquiétant sentiment d’exotisme. Inquiétant, car tout est pareil et familier —la langue, la nourriture, l’air, la lumière — mais en même temps, différent et étranger. A un moment de la traversée se produit une sorte de diffraction, suivie d’un changement d’échelle.
Les Argentins, écrit Borges, vivent avec la paresseuse certitude d’être un grand pays, au territoire démesuré, tandis que les Uruguayens, non. D’où leur héroïque volonté d’être différents, leur obstination à rester eux-mêmes, leur âme entreprenante et matinale. Le soleil du matin passe par Montevideo avant de passer par Buenos Aires.
Diego Vecchio